Connaître l’impact des marques de mode n’est pas chose aisée. D’où proviennent les vêtements, les tissus. Comment ils ont été produits et par qui ? Comment ont-il été transportés ? Rym Trabelsi et Marguerite Dorangeon ont décidé de se poser toutes ces questions pour nous et de créer un système de notation qui permet d’y voir plus clair et de faire des choix plus éclairés en matière de mode. De nombreuses marques sont ainsi passées au peigne fin dans l’application Clear Fashion. Rencontre avec Rym.
Temps de lecture : 9min
Je suis issue d’une formation d’ingénieur agronome orientée sur les méthodes de production, transformation et vente des produits alimentaires. Au cours de mes stages j’ai constaté beaucoup d’aberrations notamment sur le salaire que perçoivent les agriculteurs, mais également sur l’impact carbone de certains aliments comme l’avocat par exemple importés du bout du monde. Puis j’ai vu que dans ce secteur, des alternatives qui tendent vers plus d’éco responsabilité comme le bio, le vrac, le circuit-court existaient et se développent. Puis par analogie, j’ai cherché à savoir avec mon associée Marguerite, comment cela se passait dans le secteur de la mode et comment étaient fabriqués nos vêtements. Nous avons commencé par lire des rapports de l’OIT (Organisation Internationale du Travail), sur l’esclavagisme moderne et le travail forcé des enfants. Mais également sur l’impact environnemental de ces industries (pour fabriquer un jean il faut 10 000 litres d’eau, NDLR). Nous nous sommes alors demandé comment faire pour changer les choses. A l’époque, en 2018, l’éco-responsabilité dans la mode n’est pas encore sur le devant de la scène. Nous nous sommes donné comme mission d’informer et de sensibiliser les consommateurs pour que de plus en plus d’associations émergent, qu’un mouvement se crée et fasse avancer les réglementations. Notre vision est de donner les informations aux consommateurs, pour qu’ils puissent avoir le pouvoir de faire changer les choses.
Il s’agissait de trouver la meilleure manière d’informer les consommateurs de la manière la plus objective possible. Dans l’agronomie il existe des méthodes d’évaluation environnementale, ce sont des méthodes scientifiques qui permettent objectivement de calculer l’impact carbone, la consommation d’eau … Nous avons donc appliqué ce concept à la mode et créé une méthodologie factuelle et scientifique afin de mesurer l’impact des marques. L’application s’est imposée comme le moyen le plus simple et efficace de relayer l’information au plus grand nombre et de manière la plus objective possible via un score. Mais Clear Fashion est bien plus qu’une application, c’est une vraie méthodologie d’évaluation et d’information indépendante qui permet de fédérer les consommateurs, les marques et les institutions afin d’emmener le secteur de la mode vers plus de transparence et de responsabilité.
Notre méthodologie intègre des méthodes existantes utilisées notamment dans les industries alimentaires, que nous avons par analogie adaptée à notre secteur. Notre système d’évaluation est divisé en quatre thématiques, l’impact social (Humain), environnemental (Environnement), santé (Santé) et bien-être animal (Animaux). Nous analysons donc l’ensemble des étapes de fabrications et identifions les impacts liés. Nous prenons en compte 150 indicateurs différents (environnement, énergie, impact carbone, gestion des déchets, pollution des eaux). Ce système d’agrégation nous permet de traiter les informations sur les pratiques des marques, puis nous communiquons les notes des marques via l’application Clear Fashion. Il y a près de 500 marques évaluées sur l’application, comme Adidas, Zara ou Le Slip Français en fonction des demandes des consommateurs.
Nous posons des questions aux marques sur leurs méthodes de fabrication, leurs fournisseurs, leurs matières premières… Au début c’était très dur d’avoir des réponses, mais maintenant avec la demande croissante de la part des consommateurs c’est beaucoup plus simple. Aujourd’hui il y a 150 000 personnes qui regardent nos scores chaque mois, ce qui représente un réel impact auprès des marques qui répondent aux attentes de leurs clients.
Depuis 2011 il y une directive qui pousse à avoir un affichage environnemental, la loi économie-circulaire fait également avancer les choses en proposant un affichage social et environnemental sur les étiquettes de vêtements à horizon 2023. Nous faisons partie d’une commission gouvernementale pour aider dans la recherche de travaux expérimentaux sur la mode, nous participons en proposant nos méthodes d’évaluations et d’affichage performant auprès des consommateurs.
Au sein des entreprises, Clear Fashion a aussi permis de démocratiser les pôles RSE chez les marques de mode. Les marques se font auditer pour répondre à la demande des consommateurs. Nous avons donc un double objectif, informer les consommateurs et faire progresser les marques de mode. Nous nous associons à des cabinets de conseil pour qu’elles puissent être formées à nos méthodologies et ensuite accompagner les marques dans leur transition.
Il y a une véritable prise de conscience de la part des marques. Nous travaillons avec 300 marques dont de très connues qui jouent le jeu. Le gros changement que j’observe est leur rapport à la perfectibilité, beaucoup d’entre elles ne voulaient pas communiquer tant que tout n’était pas parfait. Or toutes les marques avec lesquelles nous travaillons ont surpassé ce problème et communiquent à présent de façon authentique et transparente. Tout ne peut pas être parfait du jour au lendemain, ce qui est important est d’être transparent vis-à-vis du consommateur, cela permet de ne pas tomber dans l’écueil du greenwashing. C’est donc un gros changement même si encore énormément de marques ont du mal à le faire, notamment les marques de luxe.
« L’écologie est avant tout une question de bonne interaction entre tous les êtres vivants. »
Je suis issue d’un milieu modeste, ma mère allait au marché pour acheter les produits qu’elle cuisinait ensuite, on n’utilisait donc pas de plastique, on ne voyageait pas non plus. Plus tard, cela a été une aberration pour moi de voir les plats préparés, les conserves… Ayant la double culture française et maghrébine j’ai pu m’apercevoir des différences qu’il y avait, au Maroc nous allions chercher la viande directement chez l’agriculteur il y avait une proximité beaucoup plus importante qu’en France. Je pense que ma conscience est née de cette continuité là, les marchés avec les fruits et légumes de saisons par exemple, des pratiques qui paraissent éco responsable aujourd’hui ont été une norme pour moi dès l’enfance. Un autre facteur qui est survenu vers mes 16 ans, est ce dégoût de la surconsommation et du matérialisme engendré par les médias et la publicité qui crée une tendance à toujours acheter plus. Pour moi, l’écologie est avant tout une question de bonne interaction entre tous les êtres vivants.
Je pense que faire un état des lieux est la première étape pour voir où l’on se situe, se rendre compte et ainsi prendre conscience des alternatives. Le site de l’ADEME permet justement de calculer son empreinte carbone et propose des axes d’amélioration.
Je me suis limitée à un long courrier tous les trois ans hors de la France, je choisis des fournisseurs à énergie verte, j’achète le plus possible au marché et je consomme de saison. Je fais également un grand tri tous les six mois pour me rendre compte de tout ce que j’ai accumulé. Faire le tri permet de se rendre compte qu’il y a très peu de choses que nous utilisons.
Que consommer éco responsable coûte plus cher, c’est vrai si nous surconsommons et achetons autant qu’avant, mais si nous avons une consommation saine et responsable cela devient également un investissement sur le long terme.
Livre d'Audrey Millet
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Livre de Natacha Ruiz et Alice Lehoux
Livre de Majdouline Sbai
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