Perús est une jolie histoire : trois amis, un voyage au Pérou, une association humanitaire et surtout de belles idées qui ont à cœur de valoriser une région et un savoir-faire. Sept ans après sa création, la marque continue à explorer les horizons de la mode, le voyage en héritage. Les sneakers aux motifs péruviens perdurent, mais les équipes ne cessent de créer, toujours à l’écoute de leur clientèle fidèle et des problématiques environnementales. Ops a rencontré Nicolas dans leur boutique parisienne rue de Turenne. Il nous raconte le passé et le présent de Perús avec un savant mélange de décontraction et de gravité. Rencontre dans leurs bureaux parisiens du Marais.
Temps de lecture : 8min
J’ai eu un parcours relativement classique en école de commerce. À la fin de nos études, nous parlions beaucoup d’entreprenariat avec Armand et Henri (ses futurs associés, NDLR) ; nous avions la certitude que nous n’étions pas faits pour l’univers traditionnel de l’entreprise. En 2014, nous sommes partis en sac à dos en Amérique du Sud pour rejoindre un ami en échange universitaire.
Nous sommes, dès les premiers jours, tombés sur des baskets ethniques à Cusco. Nous avons adoré le produit ! Nous l’avons acheté et pendant tout le voyage ça a été le centre de nos discussions. On faisait même des shootings photos avec les paires comme si c’était déjà notre marque ! Nous avons réfléchi à la meilleure manière de l’apporter sur le marché français en y amenant la dimension sociale et environnementale qui était, selon nous, indispensable.
De retour en France, nous nous sommes tous les trois officiellement lancés dans l’aventure Perús ! Business plan, portée sociale, fournisseurs… Nous avons tout repris de zéro et contacté l’association Los chicos de Cusco pour remplir cette ambition sociale. Sur chaque vente, une donation serait prélevée pour financer une journée d’école.
Nous sommes ensuite retournés au Pérou plusieurs semaines pour finaliser les prototypes et faire les shootings photo. Quinze jours plus tard, nous avons lancé la campagne sur Ulule et la marque était née ! En moins de 24h, nous avions atteint notre objectif de financement. Nous ne nous attendions pas à un tel engouement.
Au cours des années, nous avons beaucoup développé la gamme. Après les baskets en toile, nous avons lancé d’autres modèles de baskets, des sacs à dos afin de rester dans l’univers du voyage qui est l’ADN de la marque ou encore des pulls en alpaga. La laine d’alpaga est une matière miraculeuse et à l’époque, elle était encore assez méconnue en France. Nous avons contribué à démocratiser son utilisation.
Aujourd’hui, nous sommes progressivement en train de modifier les marqueurs graphiques de la marque. Jusqu’alors, nous puisions presque exclusivement notre inspiration dans les motifs péruviens. Nous souhaitons désormais nous affranchir de ces motifs traditionnels pour concevoir des pièces davantage inspirées par l’univers de Perús au sens plus large. Nous avons également fait le choix fort de relocaliser une partie de la production en Europe afin de réduire notre impact écologique.
Ce changement de style passe par le travail des matières, du design, la recherche de nouveaux partenaires mais sans pour autant mettre de côté nos partenaires historiques. Nous sommes parvenus à résoudre l’équation en conservant la production de nos produits iconiques à motifs incas au Pérou et en produisant les nouvelles créations en Europe.
Nous y aspirons. Nos derniers produits, les tee-shirts et les sweats en coton bio, sont labellisables Gots. En revanche, nous ne sommes pas allés au bout de la démarche par souci de coût. En effet, l’obtention de ce label demande des frais supplémentaires. C’est un budget que nous n’avons pas à l’heure actuelle. Perús reste encore une “petite” marque, nous n’avons pas la taille critique pour pouvoir financer des audits externes.
Cette absence de label officiel ne change en rien notre démarche environnementale ; nous garantissons les mêmes critères, à savoir la traçabilité des produits, les conditions de travail des ouvriers ou encore l’impact écologique réduit de la production. C’est dans l’ADN de notre marque et nous n’y dérogeons pas.
Je me questionne depuis toujours à propos de la distribution de valeur. Aujourd’hui, beaucoup de marques produisent en Asie ; ces marques captent une grande partie de la valeur mercantile du marché mais n’en reversent malgré tout qu’une infime partie à leurs fabricants. L’équilibre n’est pas respecté. Je me suis beaucoup interrogé sur la nécessité d’instaurer un cercle vertueux, cette conscience est ancrée en moi depuis longtemps.
À titre personnel, je dirais que notre génération (celles des personnes nées au début des années 90, NDLR) a été sensibilisée très tôt aux problématiques environnementales et sociétales. Au fur et à mesure, ma consommation a tendu vers davantage de sobriété. J’ai commencé relativement tôt à m’interroger au sujet de mon propre impact sur la planète. Cela s’est fait petit à petit, je n’ai pas vécu “d’avant/après”. Je me suis peu à peu tourné vers des marques plus authentiques et transparentes. J’ai l’habitude d’aider les marques qui naissent via des projets de crowdfunding. Sur Ulule, Perús a lancé cinq projets mais en finance une vingtaine. Je pense également à des marques que j’admire beaucoup, comme Le Slip français, Loom ou Asphalte.
À ce propos, l’échange récent entre Loom et Asphalte (une marque française et écoresponsable de prêt-à-porter masculin, NDLR) est d’ailleurs assez représentatif du questionnement actuel en matière d’industrie textile. Asphalte prône l’idée qu’il faut qu’une marque grandisse pour faire entendre sa voix et pour qu’elle finisse par avoir assez d’influence pour changer les choses. À l’inverse, Loom défend le fait qu’il ne faut pas grandir trop vite pour ne pas verser dans la surproduction. Ce qui est intéressant, c’est que les deux marques se situent des deux extrémités du spectre alors même qu’elles défendent les mêmes valeurs.
De manière pragmatique, il est avant tout nécessaire de parvenir à faire vivre les équipes ; pour y arriver, il faut un minimum d’activité. On ne peut se permettre le luxe d’inciter à la sobriété des clients qu’à la condition que les bénéfices soient suffisants pour faire vivre l’intégralité des personnes qui travaillent pour la marque.
Concrètement, nous sommes une équipe de six personnes. Pour payer tout le monde au SMIC, nous sommes tenus de faire 80 000€ de chiffre d’affaires par mois, ce qui devient difficile avec la crise sanitaire. Nous faisons des coupes sur les dépenses secondaires mais malgré tout, nous devons garantir un minimum d’activité. C’est cet équilibre qu’il est si difficile de trouver. Comment encourager à la consommation de manière responsable et raisonnée ? Je crois que la seule solution est de garder constamment pour objectif de mieux faire.
Au départ, les grandes marques cherchent avant tout à provoquer un effet d’annonce mais elles sont par la suite obligées de mettre des choses en place pour être cohérentes ! Finalement, tout repose sur la transparence. Lorsqu’une marque annonce une initiative écologique, il est nécessaire de la concrétiser afin de créer une relation de confiance avec le consommateur. C’est ce que l’on essaye de faire via notre partenariat avec l’association Los Chicos de Cusco. Nous avons à cœur de publier des chiffres concrets, de donner régulièrement la parole à l’association.
J’ai la certitude que la plupart des acteurs de l’industrie textile veulent bien faire, même s’il est certain que le greenwashing est encore présent. Ma vision n’est pas manichéenne, nous essayons tous de bien faire notre travail. En revanche, il est clair que ce sont encore trop souvent les objectifs de rendement qui priment. Plus la marque est importante, moins elle a de marge de manœuvre. En tant que « petite » marque, nous sommes plus agiles, ce qui est incontestablement une force.
« Lorsqu’une marque annonce une initiative écologique, il est nécessaire de la concrétiser afin de créer une relation de confiance avec le consommateur. »
Nous pourrions encore aller plus loin au sujet de la relation que nous entretenons avec nos fabricants au Pérou. Au départ, nous en avions une vision assez utopiste : nous avions imaginé nous y rendre tous les ans, garder le contact avec les ouvriers et leur montrer les produits finis. Malheureusement, dans les faits, la liste des choses à faire est si longue qu’il est difficile de dégager autant de temps que nous le voudrions.
C’est pour cette raison qu’en tant que marque, il est absolument indispensable de sélectionner avec soin ses usines dès le départ. Une fois la relation commerciale établie, il est très difficile de faire évoluer les conditions de production, à moins d’être assez gros pour imposer ses propres conditions, ce qui n’est pour le moment pas notre cas.
Il y a une vraie prise de conscience globale ; l’ensemble des marques communique au sujet de leur conscience écologique à leurs fabricants. Ces derniers ont compris qu’ils ne pourraient faire sans et intègrent ces nouveaux critères à leurs cahiers des charges. C’est par exemple le cas des usines textiles au Portugal qui produisent désormais du coton bio. Toutes les marques en ont désormais inclus dans leurs collections. Les entreprises qui cherchent avant tout à produire à bas coût se tournent davantage vers des usines asiatiques. L’Asie peut bien sûr produire du coton bio pour moins cher, mais il devient alors très compliqué d’en assurer la traçabilité, ce qui pose évidemment problème. Un tee-shirt en coton bio vendu au consommateur final à 6€ ne peut pas garantir les mêmes critères que ceux que nous vendons chez Perús. C’est simplement impossible, et il est important que le consommateur en ait conscience.
Avant même de finaliser et de commercialiser les produits, nous souhaitions avoir un impact positif sur l’environnement local. Nous avons immédiatement pensé au secteur de l’éducation qui est, selon nous, le meilleur moyen d’aider une population à s’élever. Nous avons cherché des associations qui avaient déjà un impact positif sur place et nous avons trouvé Los chicos de Cusco. Notre première rencontre s’est faite à Paris. À l’époque, je ne sais pas s’ils nous ont pris au sérieux ! Notre projet n’était encore qu’à ses prémices. Mais lorsqu’ils ont vu la première donation, notre relation s’est consolidée. Perús ayant grandi, nous avons au fur et à mesure représenté une part de plus en plus importante du financement de l’association. Aujourd’hui, nous sommes fiers de constater que certains volontaires de l’association l’ont connue via notre marque. C’est également à cela que nous mesurons à quel point nous avons contribué à mettre en place un cercle vertueux.
Travaillant dans la mode, c’est un secteur qui me touche personnellement et que je suis de près ! J’aime beaucoup le travail de marques telles que 1083 (également mentionnée par Elliot Nakache, voir son interview pour Ops, NDLR) qui fait un vrai travail sur la relocalisation et l’intégration de la production. Je pourrais encore citer Hoopal ou Atelier Particulier qui a mis l’artisanat au cœur de son identité. J’aimerais aussi parler de la marque de prêt-à-porter masculin Bonne Gueule. J’admire beaucoup le temps qu’ils passent à rédiger des articles sur chacun de leur produit, ce sont les “geek” du prêt-à-porter masculin éthique !
Au quotidien, je suis client de La Ruche qui dit Oui (réseau de communautés d’achat direct aux producteurs locaux, NDLR).
Plus généralement, j’essaie au maximum de privilégier le local. Avec mes amis, nous essayons de réduire la distance de nos déplacements et de privilégier des destinations accessibles en train ou en covoiturage. Selon moi, cela rentre dans cette même logique qui privilégie les circuits courts. Si nous décidons de partir loin, le voyage doit être justifié, ponctuel et long dans la durée.
J’ai la chance d’être urbain ; j’en profite donc pour utiliser au maximum les moyens de transports partagés tels que les Vélib’ ou les City Scoot.
J’ai conscience qu’il faudrait que je réduise ma consommation de viande. C’est plus facile de limiter la viande lorsque l’on fait à manger à la maison mais je déjeune cinq jours par semaine à l’extérieur. C’est un point que j’ai du mal à changer.
Je suis également conscient du fait que mon mode de vie consomme beaucoup. Je voyage plus souvent que la moyenne des gens et travaille dans l’industrie textile… Par essence, j’ai de nombreux efforts à faire ! Plus généralement, il faut être conscient que nos modes de vie consomment bien plus d’énergie que ceux de la moyenne des habitants sur la planète. C’est donc notre devoir de faire des efforts pour réduire cet écart.
On le répète souvent mais commencez par changer ce que vous aimez ! Si vous êtes fan de cuisine, achetez local, allez à la rencontre de vos producteurs… Les options sont illimitées.
Pour la mode, encore une fois rien de nouveau, mais il vaut mieux privilégier de belles pièces un peu chères qui dureront longtemps. Cela fait du bien à l’image de soi et donne confiance, bien davantage que de porter une pièce “jetable”.
En général, mon conseil serait de chercher la joie et l’échange dans tous les gestes écoresponsables. Par exemple, le covoiturage est un super moyen de faire de belles rencontres et de passer un moment hors du temps.
« En général, mon conseil serait de chercher la joie et l’échange dans tous les gestes écoresponsables. »
La première est que non, la mode n’est pas la deuxième industrie la plus polluante du monde ! Bien moins que la production d’énergie, l’agriculture, le bâtiment… (voir l’article très documenté de The Good Goods paru en septembre 2020, NDLR). Certes, c’est incontestablement une industrie polluante mais ce chiffre est bien souvent détourné par les marques qui veulent faire du greenwashing en s’auto flagellant.
La seconde idée reçue est qu’il faut privilégier les matières vegan coûte que coûte. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il y a peu d’alternatives très satisfaisantes. D’une part, les nouveaux matériaux telles que la peau de pommes ou d’ananas ne permettent aujourd’hui pas de garantir aux produits la même durée de vie que les cuirs traditionnels (voir l’interview de Ops au sujet de Chrysoline de Gastines, co-fondatrice de Balzac Paris, qui pointe également les difficultés de travailler ces matériaux, NDLR). D’autre part, la traçabilité de ces matériaux est complexe et ils sont bien souvent mélangés à des dérivés du pétrole. À trop vouloir bien faire, cela en devient contre-productif ! Je comprends que l’on ne veuille pas porter de cuir mais concernant une matière comme la laine d’alpaga par exemple, il faut savoir que cet animal ne mue pas naturellement et qu’il est possible de s’assurer en amont que l’animal n’a pas été maltraité lors de son élevage ou de sa tonte.
Je lis beaucoup de presse spécialisée : Le Monde, Philosophie Magazine, Science & Vie, So Good ou encore Usbek et Rica… J’affectionne particulièrement les nouveaux médias, en format papier l’été ou en digital le reste de l’année.
J’aime beaucoup Martin Boire et Manger, l’Avant Poste et Les Résistants.
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