Il y a plus de 10 ans, Marion a radicalement changé sa manière de vivre suite à une prise de conscience sur les questions climatiques. Elle poursuit depuis 3 ans avec sa marque de basiques en lin éco conçus Spl!ce, issue du terme utilisé en filature pour entortiller ensemble deux morceaux de fil cassés, et créer un fil continu. La continuité est au cœur des valeurs de cette femme engagée, passionnée et jusqu’au-boutiste qui nous reçoit dans son appartement parisien.
Temps de lecture : 9min
J’ai commencé ma carrière dans l’informatique, puis dans la banque. J’étais en charge de gros projets avec une équipe à manager, 3 enfants et un équilibre vie privée/vie personnelle compliqué.
Il y a 12 ans, j’ai eu une grande prise de conscience écologique en prenant notamment connaissance des problématiques autour du réchauffement climatique et des délocalisations dans le textile. Nous avions alors décidé avec mon époux de l’époque de changer radicalement notre manière de consommer : nous avons commencé à regarder systématiquement d’où provenaient nos achats, à n’acheter que si nécessaire, à nous alimenter avec des produits locaux et de saison. Nous avons donc banni certains aliments comme la banane par exemple. J’ai également supprimé les emballages en n’achetant plus aucun produit transformé, tout était fait maison, jusqu’aux pâtes ! Nous habitions à l’époque en banlieue parisienne et avions la chance d’avoir une maison. Des panneaux solaires ont été installés sur le toit ainsi qu’une cuve de récupération d’eau de pluie pour arroser le jardin. Nous avons abandonné la voiture et l’avion. Toute notre façon de vivre a été modifiée, nous avons même vécu à la bougie un soir par semaine durant une année pour ne pas utiliser l’électricité ! C’est un bon souvenir car nous vivions ces soirs là au ralenti, sans stress. Les enfants ont beaucoup apprécié ces moments qu’ils ont vécus comme une véritable expérience et non une contrainte.
Nous avons été vus comme des extraterrestres !
Beaucoup nous disaient que cela ne servait à rien dans la mesure où nous étions les seuls à questionner notre mode de vie et à agir ainsi. Il est intéressant de constater que ces mêmes personnes ont aujourd’hui aussi changé leur façon de faire.
Une autre partie de notre entourage avait plutôt foi en l’avenir en pensant que nous trouverions une solution technologique pour enrayer le processus.
Malgré les observations de nos amis et notre famille nous avons tenu bon. Aujourd’hui mes enfants sont des adolescents, je les laisse libres de leurs choix de vie mais je vois que ces valeurs sont à présent très ancrées.
En 2011, j’ai décidé de créer une marque de vêtements pour enfant car je n’en trouvais pas qui correspondait à mes valeurs. J’ai donc créé Naturellement petits qui proposait des sweats en coton bio et j’ai commencé à travailler le lin à cette époque. La marque n’a pas fonctionné mais cette expérience m’a permis de rencontrer beaucoup d’acteurs du Made in France. Puis sur les conseils d’une amie j’ai abandonné ce projet pour me concentrer sur une marque de basiques en lin pour adultes. J’ai été énormément soutenue et encouragée par tous les acteurs de la filière du lin, c’est comme ça que j’ai créé Spl!ce en novembre 2018.
J’ai ensuite quitté mon époux peu de temps après la création de la marque et divorcé en juin 2020.
« Nous avons besoin d’actions massives et radicales, il faut que les grandes entreprises qui ont un impact donnent l’impulsion »
Ce sera bientôt le cas de bout en bout ! Aujourd’hui le lin est cultivé, teillé et ennobli en France, seule la filature est faite en Pologne. Nous avons créé le collectif Linpossible avec Thomas Huriez de 1083, l’Association Lin et Chanvre Bio dont je suis administratrices. L’objectif était d’œuvrer pour la réintroduction dans notre pays de cette étape de production en incitant des marques à intégrer le surcoût d’une filature française dans leur prix de revient et à l’investir dans la promotion de ce projet. L’année prochaine 2 filatures françaises verront le jour.
Avec Linpossible, nous allons maintenant nous repositionner en facilitateur de la filière et mettre à disposition des marques, les contacts de tous les acteurs du lin. Nous allons proposer une charte d’engagement pour les entreprises qui souhaitent faire du 100% français afin de garantir que toutes les étapes de production soient véritablement faites en France.
Grâce à la réintroduction des filatures en France, je pourrai en 2022 proposer des produits 100% français depuis la graine de lin jusqu’au colisage des vêtements, sans plastique bien sûr.
Je projette aussi d’utiliser des teintures végétales à partir de l’année prochaine et de cesser d’utiliser de l’eau oxygénée pour décolorer les fils. Nous sommes sans cesse en recherche et développement pour créer un produit toujours plus qualitatif et toujours plus neutre pour l’environnement tout en préservant les savoir-faire de la filière textile.
Nous avons besoin d’actions massives et radicales et il faut que les grandes entreprises qui ont un impact énorme donnent l’impulsion. Il faut également que le gouvernement impose un changement. Du point de vue de l’individu, on touche à la restriction des libertés donc c’est encore très compliqué pour beaucoup d’entre nous, même si j’ai le sentiment que les attentes des consommateurs bougent.
Depuis le lancement de ma marque je manque malheureusement de temps donc je ne fais plus mes pâtes comme avant, mais je les achète en vrac et elles sont françaises ! J’ai conservé ce principe d’acheter local. Une de mes marques modèles car vertueuse et jusqu’au-boutiste est 1083, nous avions d’ailleurs créé un débardeur en collaboration cet été.
J’aime aussi beaucoup la démarche de la marque de cosmétique Linaé qui créé des produits à base de lin bio, ou encore celle de Couleur Caramel car leurs produits sont rechargeables.
D’une manière générale j’essaie de générer le moins d’emballage possible. Pour comprendre les enjeux climatiques, je recommande aussi les publications de Jean-Marc Jancovici qui sont extrêmement justes et fondatrices.
L’idée qui persiste chez les personnes insensibles à l’écologie et qui aiment la mode c’est que les vêtements éthiques sont moches et vieillots. C’était peut-être le cas il y a quelques années, mais ce n’est plus vrai. Je souhaite changer cela aussi à travers ma marque, j’essaie de capter ces gens-là en proposant avant tout un produit joli et désirable.
J’ai beaucoup de mal avec la manie de prendre l’avion alors que les trajets pourraient être évités ou faits en train. Je trouve également fou de prendre la voiture pour se déplacer dans Paris.
Mode made in France
Cosmétique naturelle à base de lin
Mode made in France en lin
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