En 2015, Elliot Nakache et son acolyte Hervé Dupied décident d’entreprendre la traversée de l'Amérique Centrale et du Sud à pied. 7 484 km plus tard, leur vision du monde a changé. Au fur et à mesure des pas et des contrées explorées, leur conscience environnementale et sociétale grandit et transforme profondément leur rapport à la nature et à l’humain. Leur récit est consigné dans un livre sorti fin 2020, ÁNIMO, dont les recettes serviront à financer des projets à impact. Chez lui à Paris, Elliot nous raconte son voyage et l’écho que celui-ci a eu sur sa vie.
Temps de lecture : 8min
J’ai rencontré Hervé en 2013 alors que je finissais mes études à Hong Kong. Lui alors jeune ingénieur, moi bouclant mon école de commerce. Nous étions tous deux passionnés de sport et animés par l’envie de découvrir le monde. C’est Hervé qui a proposé l’idée d’entreprendre ce voyage en marchant.
Au départ, nous étions plutôt dans la perspective de nous dépasser. À vrai dire, il y avait quelque chose d’assez individualiste, nous voulions voir ce que nous avions dans le ventre, prouver notre unicité en quelque sorte, souvent oubliée dans le schéma prémâché que l’on suivait.
Nous avons donc pris quelques mois pour organiser ce voyage, définir les blocs d’itinéraires entre Mexico -la ville de départ, et Ushuaia -la ville d’arrivée, et apprendre la technique de lecture GPS par images satellites. Nous avons opté pour l’Amérique Latine car cette zone nous permettrait de découvrir une multitude de cultures et d’environnements différents tout en ne parlant qu’une seule langue.
Au cours du voyage, nous avons développé la théorie des 5 F : Faim, Froid, Faiblesse (physique), Faune et Flore. Et ce que l’on a constaté, c’est que si l’un de ces voyants passe au rouge, il est impossible de profiter de l’expérience pleinement même si l’environnement est fabuleux. Nous évoluions alors dans un fragile équilibre entre les écosystèmes et nos limites ; tout ne tenait qu’à un fil, et c’est l’une des leçons majeures apprises lors de ce voyage. Les moments de grâce ont été vécus pour la plupart auprès des locaux ; nous avons bénéficié d’une solidarité et d’une générosité incroyables ! C’est sans doute de là que nous avons puisé l’énergie nécessaire pour continuer.
Beaucoup de gens se sont imaginés que nous faisions un pèlerinage. C’était la seule justification possible à leurs yeux, sinon pourquoi s’infliger cela ?! Cela nous a aussi fait réaliser que d’une certaine manière, notre voyage était assez représentatif des problèmes de notre société : deux vingtenaires qui se cherchent, qui prennent l’avion pour aller à l’autre bout du monde et qui vont quémander de l’aide aux locaux alors qu’ils pourraient jouir d’un travail et d’une vie confortable chez eux… Nous faisons partie de ce monde qui ne tourne pas rond.
À chaque étape de notre parcours, nous sommes tombés assez naïvement et aléatoirement sur des aberrations à la fois environnementales et sociales. Par exemple, lors de notre passage au Guatemala nous avons marché pendant quatre jours au milieu de paysages identiques. Nous nous sommes progressivement aperçus qu’il s’agissait d’immenses étendues de champs de palmes. Nous croisions constamment des camions qui transportaient les palmiers à huile. Les villages alentours étaient artificiels en comparaison des villages paysans traditionnels que l’on avait pu voir quelques kilomètres auparavant. Les terres des villageois avaient été accaparées par cette culture très destructrice pour les écosystèmes vivants. Nous en avons parlé avec des locaux qui subissaient cette industrialisation sans la comprendre.
Nous avons également constaté ce non-sens au Costa Rica. Les pesticides y sont répandus sur les bananeraies alors même que les ouvriers y travaillent. Tout ce que l’on savait de manière théorique sur la destruction des milieux naturels pour l’agriculture intensive, nous l’avons constaté et vécu très concrètement. Nous nous sommes beaucoup documentés sur ces sujets à notre retour.
Ce constat a été le même à chaque étape de notre parcours: en Bolivie avec l’extraction du lithium, au Chili avec la construction de barrages hydroélectriques qui exproprient…
Nous avions le choix entre continuer à faire ce type de voyage, ou bien nous impliquer dans des missions à impact positif. Tout en gardant bien en tête que notre choix de faire ce voyage et nos modes de vie font partie du problème global !
Hervé a donc commencé à travailler chez Patagonia et moi chez Lemon Tri (qui accompagne les entreprises dans le tri de leurs déchets, NDLR). Nous nous sommes rapidement mis à structurer un récit autour de notre voyage, et à l’illustrer pour le rendre aussi vivant et ludique que cette aventure, grâce au talent incroyable de notre amie Lisa. C’est devenu le livre ÁNIMO, paru en décembre 2020 dont nous assurons la distribution avec notre co-éditeur Atelier Esope. Un film a également été réalisé. La totalité des bénéfices seront reversés à trois projets qui, selon nous, incarnent les actions nécessaires pour remettre le monde en ordre d’ici les vingt prochaines années. Nous avons vu de nos propres yeux qu’il ne s’agit pas seulement d’opérer une transition ; c’est une véritable transformation qui est aujourd’hui nécessaire.
Nous avons déjà choisi les deux premiers. Nous allons tout d’abord soutenir Julien Moreau, un éco-aventurier (visiter www.julienmoreau.org, NDLR) qui dédie ses actions à accompagner les écoles dans la construction de leur discours et de leurs actions écologiques. L’éducation des jeunes générations est une mission cruciale que nous avons à cœur de soutenir.
Le second projet que nous soutiendrons est la Ferme du Bec Hellouin dans l’Eure. Pionniers en permaculture, il font renaître des sols et reforment progressivement le tissu local.
Nous lançons un appel à projet pour le troisième donc à bon entendeur..! L’idée est de poursuivre la chaîne de solidarité dont nous avons bénéficié durant notre parcours et de donner un coup de pouce à des projets qui, comme le nôtre, contribuent à faire bouger les lignes.
Hervé a gravé dans le marbre qu’il ne prendrait plus l’avion ; quant à moi, je limite aussi beaucoup mes voyages par ce moyen de transport.
Mon alimentation a considérablement changé, je ne mange presque plus de viande, je privilégie les aliments locaux et de saison, j’achète en vrac. Je me déplace aussi en vélo (qui trône dans son appartement malgré les six étages sans ascenseur, NDLR).
Je n’ai jamais été un grand consommateur mais je suis attentif au fait de choisir des marques qui pensent le cycle de vie de leurs produits dans les moindres détails. C’est notamment le cas de 1083, Patagonia, Hopaal ou au Juste.
Mon fournisseur d’électricité est Enercoop qui est un coopérative énergétique à laquelle on peut être sociétaire.
Enfin, je ramène mon compost au bureau où l’on a plusieurs lombricomposteurs. D’ailleurs, selon sa ville ou son arrondissement, il est possible de trouver des jardins partagés, des points de compost ou de se faire financer un composteur.
Au-delà de tout cela, je ne suis pas du tout un exemple parfait, pleins d’autres gestes peuvent être faits, le piège étant de ne pas remplacer la mode polluante par une mode alternative responsable à trop forte dose : si j’achète quinze jeans 1083 et dix sneakers durables, c’est inutile…
« Il faut maintenant agir, retrouver la notion de collectif et reprendre la voix dans l’espace public quel qu’il soit »
Quand nous sommes partis avec Hervé, nous n’étions pas des experts de la marche et pourtant nous l’avons fait. De la même façon, il n’est pas nécessaire d’être un expert en écologie pour faire, se lancer, mieux manger, moins consommer.
Nous pensons que le temps de l’information, de la documentation, de l’intellectualisation est terminé. Il faut maintenant agir, retrouver la notion de collectif et reprendre la voix dans l’espace public quel qu’il soit. Il faut de l’imagination pour se réinventer, du courage pour se lancer, et de l’entraide pour avancer.
Définitivement les déchets qui sont jetés par terre, c’est quelque chose qu’on ne peut plus se permettre.
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