Aymeric Grange

Si vous avez entrepris une démarche zéro déchet, ou que vous projetez de le faire, vous êtes sans aucun doute tombés nez à nez avec cette jeune marque de produits de beauté et d’hygiène 900.Care. Aymeric Grange & Thomas Arnaudo ont créé l'entreprise avec 2 objectifs : mettre fin au plastique à usage unique dans notre salle de bain et rendre les produits écologiques accessibles au plus grand nombre. Retour avec Aymeric sur les débuts fracassants et l’aventure passionnante de cette marque à qui l’on souhaite longue vie !

01/03/22

Temps de lecture : 10min

Aymeric quel est votre parcours et comment l’aventure 900.Care est-elle née ?

J’ai fait des études de commerce, puis j’ai travaillé pendant 6 ans dans un cabinet de conseil en France et aux État Unis. C’est là bas que j’ai découvert de nombreuses marques qui vendaient en ligne directement aux consommateurs sans passer par des distributeurs, ce qui assurait plus de transparence et de confiance. Un jour je suis tombé sur une infographie de la fondation Ellen Macarthur qui expliquait qu’au rythme où on allait, en 2050, il y aurait plus de déchets dans l’eau que de poissons, ce à quoi je suis très sensible car je fais de la plongée depuis l’enfance. Ces deux idées m’ont fait réfléchir et m’ont donné envie d’entreprendre en combinant le pouvoir d’internet et des nouveaux canaux de distribution pour proposer un modèle de consommation différent qui règlerait ce problème de plastique. En 2019 j’ai quitté mon emploi et je me suis lancé avec Thomas Arnaudo et nous avons créé 900.Care avec la mission suivante : mettre un terme au plastique à usage unique dans la salle de bain.

Quel est le concept de 900.Care ?

Notre idée est très simple, chaque flacon en plastique recyclé à 50% est réutilisable grâce à un système de recharges emballées dans un étui en carton qui permet donc de réduire drastiquement le plastique à usage unique. Nous nous sommes rendus compte que le gel douche est composé à 90% d’eau ce qui est absurde car ce que nous achetons c’est de l’eau déjà présente chez nous et du plastique à usage unique. Nous avons ainsi eu l’idée de compacter sous la forme d’un petit bâtonnet les 10% d’ingrédients actifs, pour que le consommateur n’ait plus qu’à ajouter l’eau qu’il possède déjà chez lui dans le flacon. Ce système recrée à la perfection le gel douche classique avec la mousse, les odeurs et la texture sans avoir à jeter de plastique à la fin et sans avoir à transporter de l’eau qui, au vu du poids pollue énormément.

Souhaitez-vous étendre la gamme ?

Nous avons commencé par le gel douche puis nous avons développé notre gamme à tous les produits de la salle de bain. Notre mousse pour les mains, notre déodorant et notre dentifrice sous la forme de pastilles à croquer en mono-dose qui vient d’être nommé meilleur dentifrice solide par 60 millions de consommateurs. Notre but est d’étendre la gamme à tous les produits d’hygiène, pour l’instant ce qu’on nous réclame le plus c’est le shampoing !

Pourquoi avoir fait le choix de contenants en plastique, quand on connaît aujourd'hui les enjeux liés à ce dernier ?

Nous avons fait le choix de flacon en plastique recyclé car il y a tellement de déchets plastique aujourd’hui qu’on aimait l’idée de leur donner une seconde vie plutôt qu’ils soient incinérés ou enfouis ! Aujourd’hui nos flacons sont recyclés à 50%, avec un objectif visé de 100% même si c’est très compliqué et que ça représente un grand défi technique.

L’autre engagement fort de la marque est de produire nos flacons en France. La majorité des marques produisent leurs contenants en Asie, car la production est moins chère surtout pour un produit qui va être jeté. La démarche de 900.Care est que le flacon est réutilisé ce qui nous permet de le fabriquer en France dans de meilleures conditions, car il est plus durable et plus solide. Le choix du made in France, très différenciant, est rendu possible par le système de la recharge.

Le principal problème du plastique aujourd’hui c’est quand il est à usage unique, surtout qu’on sait qu’une majorité du plastique n’est pas recyclé. Pourtant, pour un produit réutilisable, le plastique recyclé est une excellente alternative : c’est une matière peu énergisante à produire contrairement au verre qui nécessite d’être chauffé à des températures très élevées. Le plastique est beaucoup plus léger que le verre donc génère moins d’émissions de CO2 pour son transport. C’est également une matière très résistante, beaucoup plus que le verre.

« Le plastique n’est pas mauvais tant qu’on ne le considère pas comme jetable. »

La formulation de vos produits était un aspect très important dans la démarche de la marque, expliquez-nous ?

Nous avons commencé par travailler avec des laboratoires indépendants et nous venons tout juste d’internaliser notre recherche & développement. Notre ambition pour les formules était de concilier trois aspects : des formules efficaces et sensorielles, des ingrédients d’une part sans danger pour la santé et naturels (aujourd’hui ils le sont à plus de 95%), et d’autre part, biodégradables. Le challenge du développement des formules a été conséquent et à nécessité un an et demi de R&D. La plupart des marques utilisent des formules déjà toutes faites en changeant seulement le parfum et quelques ingrédients, puis vont coller leur étiquette sur le flacon. Nos produits étaient tellement novateurs que nous avons dû créer les formulations de A à Z.

Quid de l’impact carbone de 900.Care?

Ce qui est génial avec le projet, c’est qu’il a un réel impact environnemental, nous avons réalisé notre analyse d’économie plastique et carbone. L’institut indépendant Sami a analysé qu’une famille qui consomme notre gamme complète (soit les quatre produits) pendant un an va économiser cinq kilos de plastique. L’autre bénéfice écologique est l’économie de carbone dû au non transport de l’eau, nous générons donc cinq fois moins d’émission carbone qu’une marque classique.

« On vote avec notre porte-monnaie »

Comment avez-vous fédéré une communauté aussi engagée ?

Nous avons impliqué notre communauté dès le début du projet, ce qui nous a permis d’avoir énormément de personnes enthousiastes et intéressées. Nous avons mis en place des tests pour être sûr que nos formules apportent pleine satisfaction. Pour acquérir cette communauté, nous avons créé une campagne de crowdfunding sur Ulule qui a été la campagne la plus financée en juin 2020. Après la clôture, nous avons reçu énormément de messages de personnes qui souhaitaient également participer, mais qui avaient loupé le coche ! Nous avons donc décidé d’en relancer une sur KissKissBankBank qui a battu le précédent record. En tout nous avons eu 12 500 contributeurs et grâce à des investisseurs nous avons récemment obtenu 10 millions d’euros de levée de fonds, ce qui est un très beau lancement.

Nous sommes également fiers d’avoir pu baisser le prix des recharges, car au vu du nombre grandissant de clients, nous avons pu augmenter le nombre de productions et donc baisser les coûts. Nous avons diminué le prix de près de 45%, et nous continuerons de le faire tant que notre économie d’échelle augmentera. Notre souhait est vraiment de rendre les produits écologiques accessibles.

Le débat est ouvert pour savoir quel acteur doit ouvrir le bal du changement, qu'en pensez-vous ?

Je pense que la responsabilité est du ressort de tous, les entreprises, les législateurs et les citoyens. Il ne faut pas être trop moralisateur et culpabilisant, car chacun fait comme il peut, selon ses moyens et son mode de vie. Mais je crois au fait de rendre l’écologie attractive, que ce ne soit pas une corvée, mais plutôt un avantage, une innovation. Les entreprises doivent faciliter la vie des consommateurs qui souhaitent un mode de vie plus soutenable. Par exemple, avec 900.Care nous livrons régulièrement les recharges à l’adresse du client, ce qui lui évite de se déplacer. En tant qu’individu, nous pouvons faire beaucoup, mais il faut que le mouvement soit systémique. Il faut voter pour les personnes qui ont de vraies valeurs et idées pour l’écologie.

Vous définiriez-vous comme un éco-anxieux ou un éco-optimiste ?

900.Care est délibérément optimiste, quant à moi j’oscille entre les deux.

« Je pense que la responsabilité des marques est de faciliter la transition écologique des gens. »

L’action anti-écolo qui vous rend fou ?

Le côté moralisateur de l’écologie qui est parfois contre-productif, et le greenwashing qui impacte négativement les marques qui tentent de faire les choses bien.

900.Care