Jeune entreprise, Bocoloco a fait une entrée fracassante sur la scène de la vente du vrac. Produits rigoureusement sélectionnés, producteurs engagés et concept infiniment désirable, l’entreprise fait parler d’elle depuis 2019. Convaincu que le plaisir est la clé d’une transition écologique réussie, Alexis Dusanter a co-fondé Bocoloco avec son frère, entre détermination et enthousiasme. Leurs bocaux donnent à nos cuisines de délicieux airs d’épiceries traditionnelles et déconstruisent les préjugés tenaces autour du vrac. Entre Paris et Annecy, Alexis Dusanter se confie à Ops. Rencontre.
J’ai 38 ans et je suis issu d’un parcours assez classique en école de commerce. J’ai par la suite enchaîné sur des expériences dans de grandes entreprises dans l’hôtellerie ou encore les cosmétiques. Finalement, une vie professionnelle aux antipodes de mes convictions écologiques ! C’est précisément cela qui a fini par me peser. Je ne supportais plus ce décalage total entre ma vie professionnelle et personnelle. Dans l’une d’elles, étant responsable de la création de plateformes de e-commerce, je passais littéralement ma vie dans des avions entre la France et les Etats Unis. Simultanément, je faisais mon compost et faisais mes courses dans les épiceries vrac durant les weekends.
Je me suis alors interrogé : quel était le véritable impact de faire mon propre compost alors même que je passais ma vie dans les avions ? Comment parvenir à concilier mes aspirations personnelles avec ma vie professionnelle ?
Le concept Bocoloco m’est venu lorsque j’ai réalisé qu’il était finalement assez compliqué de consommer en vrac. Transporter ses contenants, se rendre loin de chez soi dans les épiceries, n’y trouver qu’une petite partie de ce que l’on recherche… Il peut vite être décourageant de se tenir à ce mode de consommation. Je me suis donc demandé comment faire pour inciter monsieur Tout-le-monde à passer le cap du vrac, à tenir ses bonnes résolutions et à démocratiser la consommation sans emballages.
L’idée a définitivement émergé en 2019. Nous avons lancé le service dans le contexte de la première vague de Covid, avec tout ce que cela comportait d’incertitudes.
Je découvre cette nouvelle vie d’entrepreneur, à quel point c’est chronophage mais aussi si gratifiant ! Les sentiments positifs sont démultipliés lorsque les clients nous font de bons retours. Cela nous encourage à continuer !
J’étais spécialisé dans la supply chain, la logistique. Il est assez fascinant de voir comment un produit chemine d’un point A à un point B. Chez Bocoloco, la clé est d’être au plus proche du consommateur pour éviter d’avoir un produit qui traverse la planète. Finalement, on pourrait dire que je conserve mon expertise de la logistique mais dans l’objectif de réduire les distances.
Nous avons créé Bocoloco avec mon petit frère qui est issu d’un parcours école d’ingénieur et start up. Nous sommes assez complémentaires. Lorsque je lui ai fait part de mon envie de changer de vie professionnelle, il m’a suivi dans l’aventure. Nous avons maintenant une équipe de huit personnes, cela prend forme !
Le point de départ était de nous assurer que notre démarche soit totalement cohérente, du producteur au consommateur. Quel serait l’intérêt de proposer une épicerie vrac en sourçant un riz venu de Thaïlande ?
Nous mettons donc un point d’honneur à avoir un lien direct avec les producteurs, à proposer des produits français autant que possible – ou du moins proches du lieu de consommation, et à avoir une démarche engagée. Nous ne sommes pas des ayatollah du bio mais en achetant ses produits chez nous, nous voulions que le consommateur soit confiant par rapport au fait qu’il participe réellement au mouvement écoresponsable.
Toutes les étapes du parcours client doivent être cohérentes. Par exemple, nous livrons en vélo cargo à Paris et en proche banlieue. Dans le reste du territoire, nous privilégions les points relais. D’un point de vue logistique, cela fait sens de pouvoir mutualiser plusieurs flux de produits en un seul point.
Nous travaillons donc ce projet de bout en bout. C’est selon moi ce qui manque dans les démarches de nombreuses entreprises. Le marketing est ultra travaillé mais dès lors que l’information n’est pas directement visible aux yeux du client, on observe des manques. C’est par exemple le cas de certains magasins de vrac dont l’impact écologique est important, notamment à cause de la grande quantité de plastique mobilisée pour l’approvisionnement en matières premières auprès des producteurs. En tant que client, on ne voit pas cet aspect.
Je voulais donc absolument avoir un projet abouti pour pouvoir me regarder en face.
La partie opérationnelle est basée à Annecy et notre local est basé à Paris. C’est ici que nous recevons les matières premières et que nous reconditionnons la marchandise pour approvisionner l’ensemble du réseau.
Nous sommes essentiellement une épicerie en produits secs. Sur la partie fruits secs par exemple, nous avons constaté qu’une grande partie de la production vient de l’étranger : Californie, Turquie… Finalement, il n’est pas si évident de trouver des filières françaises. Ce travail de sourcing est donc une partie assez conséquente de notre travail.
Ce point est en effet assez crucial, nous avons eu de nombreux débats à ce sujet au fondement de l’entreprise ! Je vais vous faire part d’un exemple assez révélateur : les noix de cajou.
Nous étions partis de l’idée que nous ne travaillerions qu’avec des producteurs français. Les noix de cajou sont à la base de l’alimentation végétarienne ; ceux qui en consomment sont donc assez engagés dans leur démarche personnelle et écologique. La question est donc : est-ce à nous de refuser que ce produit soit proposé ou est-ce plutôt notre rôle d’être transparent à propos de l’origine du produit afin que le consommateur puisse faire son choix en toute connaissance de cause ?
Finalement, nous avons décidé que le plus important était d’accompagner nos clients vers une alimentation moins carnée. Nous avons donc continué à proposer de la noix de cajou, mais en étant complètement transparents sur la provenance. Nous ne souhaitons pas culpabiliser les consommateurs mais plutôt nous assurer que nous ayons fait tout le travail de recherche pour lui en amont. Nous avons conclu que cette démarche pédagogique vaut toujours mieux qu’un produit acheté en grande surface.
Selon nous, l’accompagnement est primordial. Nous avons notamment une application de recettes qui aide nos consommateurs une fois rentrés chez eux. En effet, ils se retrouvent souvent avec une grande quantité de produits en vrac, sans date de péremption, et ne savent pas comment les cuisiner. On réalise rapidement l’importance que revêt l’emballage ! L’application mobile vise à pallier à ces difficultés. Le client scanne son bocal et retrouve toutes les infos sur le produit : son nom, son mode de préparation, sa date de péremption pour éviter le gaspillage… Nous voulons accompagner les consommateurs au quotidien pour que le vrac rentre réellement et facilement dans les habitudes de consommation.
La consigne a été l’une de nos premières discussions. Il est vrai que cela peut paraître assez contraignant, et c’est pour cela que certaines épiceries privilégient les sacs kraft même si l’impact écologique est plus important. Nous livrons donc dans des bocaux ou dans des sacs en coton à réutiliser pour ne générer aucun déchet. Nous pouvons paraître extrêmes dans nos positions mais encore une fois, nous souhaitons que le service soit cohérent de bout en bout. Le bocal a un vrai sens dans la cuisine ; c’est sympa de voir le produit dans le bocal et très régressif de piocher dedans ! Le bocal nous permet ce rapport gourmand au produit que le kraft ne permet pas.
« Le bocal nous permet ce rapport gourmand au produit que le kraft ne permet pas »
Résolument le fait de retrouver du plaisir tout en étant dans une démarche engagée. Avant, ma pensée était relativement manichéenne : soit manger un steak et se faire plaisir, soit manger des graines et en éprouver une certaine frustration. Plaisir et écologie étaient assez décorrélés.
Aujourd’hui, grâce aux efforts de nombreux acteurs du secteur écologique, les deux notions se rejoignent. C’est très agréable de penser que Bocoloco participe également à cela à son échelle. Le plaisir doit devenir l’élément central d’un mode de vie écologique ; il en va de sa démocratisation.
J’aime par dessus tout le rapport à la terre. Ma famille et moi avons déménagé de Paris à Annecy pour retrouver ce lien avec la nature : jardiner, faire son compost, voir ses enfants prendre du plaisir au contact de la nature. J’ai été élevé comme cela par mes parents et selon moi, le fait de s’émerveiller de la beauté de la nature participe à la prise de conscience que nous devons avoir collectivement.
J’ai un potager dans mon jardin. Je suis client de Kokopelli, une entreprise qui remet au goût du jour des semences oubliées car pas assez productives. Kokopelli proposent ces graines oubliées et encouragent leurs clients à perpétuer la variété des espèces. Cela a beaucoup de sens pour moi ; sortir d’une certaine standardisation, redonner de l’autonomie aux hommes, reconnaître la richesse de la nature.
Concernant les déplacements, ma famille et moi essayons de privilégier le vélo même si je prends beaucoup le train dans le cadre de ma vie professionnelle : gérer les équipes, aller à la rencontre des producteurs… Je ne peux malheureusement pas faire autrement pour le moment. C’est sans aucun doute la difficulté majeure que je rencontre dans mon quotidien. Ma dépense carbone reste encore trop élevée. En famille, nous avons établi certaines règles : un grand voyage par an, plus de weekends dans des régions trop éloignées. Nous essayons de privilégier la France ou à minima notre région.
Mon conseil est le mantra de Bocoloco : chaque petit geste compte, je rejoins entièrement Inès Moreau (fondatrice du compte Instagram Les Petits Gestes, voir son interview) à ce sujet ! Il est important de rappeler que personne n’est parfait et que nous avons tous des poids différents à porter.
Les femmes ont notamment une charge supplémentaire concernant ces sujets. C’est peut être cliché, mais elles sont plus concernées par les problématiques liées à leur alimentation et celle de leur famille, la mode etc. Les hommes sont moins précurseurs, moins proactifs. Je me bats là-dessus, notamment auprès de mes proches. Chacun a une responsabilité propre, un rôle à jouer, et il est souvent trop facile de se reposer sur les autres.
Je ne crois pas au côté “bonne résolution du 1er janvier” : il est compliqué de changer ses habitudes, nous sommes tous pris dans notre quotidien. Je crois davantage en le fait d’éduquer progressivement les gens, d’informer, de se tromper. Le plus difficile est de tenir dans la durée, d’où l’importance que ces changements soient ancrés dans nos habitudes afin qu’ils résistent aux aléas du quotidien. Je prône surtout l’humilité et la résilience, plus efficaces sur le long terme.
J’ai remarqué que certains peuvent devenir schizophrènes lorsque tiraillés entre leurs discours écologiques et les bénéfices immédiats dont ils peuvent tirer parti. Le meilleur exemple étant la personne qui revendique une alimentation bio mais qui ne finit par acheter que les produits en promotion au supermarché.
Je crois donc davantage aux petits pas qui feront, certes moins spectaculairement mais plus profondément, changer les masses.
« Je crois donc davantage aux petits pas qui feront plus profondément changer les masses«
Je me concentre prioritairement sur l’aspect positif qui a bien plus de chances de faire adhérer les gens. Par exemple, sur Bocoloco, nous avons mis en avant “le kilo de plastique à éviter”. Nous pensons que les consommateurs ont besoin d’éléments tangibles auxquels se raccrocher. Tant que ce n’est pas mesuré, le cerveau a du mal à intégrer le fait que notre impact compte. Quantifier, c’est aussi encourager. Chacun peut se prendre au je
Les climatosceptiques me donnent envie d’hurler ! A l’heure des fake news, c’est gravissime de diffuser de tels contenus. C’est fou de voir à quel point certains n’entendent que ce qu’ils veulent quand d’autres n’ont aucun esprit critique. Cela me met hors de moi, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre du temps à douter. Ces comportements de désinformation autour du climat sont criminels et devraient être jugés comme tels.
Concernant le greenwashing qui est de la même trempe, il faut dire qu’il est toujours tentant d’aller à la facilité – à l’image de l’utilisation des sacs en kraft comme discuté plus haut. En tant qu’acteur, on se demande si le client va réellement voir nos efforts. Mais il est important de se tenir à son honnêteté intellectuelle et à ses principes. En vérité, la bonne conscience ne s’achète pas, elle s’acquiert souvent avec difficultés. Mais cela vaut le coup.
« La bonne conscience ne s’achète pas, elle s’acquiert »
Je vous rassure, j’ai vécu la même chose !
D’abord, le climat de notre local est tempéré afin d’éviter les contamination croisée entre les produits. Le bio est souvent non traité, la prolifération d’insectes est donc plus probable.
Ensuite, chaque produit est mis dans des contenants hermétiques dès le départ et la température est contrôlée dans l’entrepôt.
Une fois chez soi, nous recommandons de fermer systématiquement les produits dans nos bocaux hermétiques. Cela diminue drastiquement le risque de prolifération. ;
Nous nous sommes beaucoup appuyés sur les recommandations en matière d’hygiène de l’Association Réseau Vrac (qui a été créée pour concourir au développement des systèmes alimentaires et non alimentaires durables, NDLR). Ils ont été d’un grand soutien !
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