Aliette Thomazo et Thomas Colin

Un des moyens les plus simples de valoriser ses déchets reste le compostage de nos épluchures. Dans un mode de vie plus écologique c’est le 5ème des fameux 5R de Béa Jonhson : Refuser, Réduire, Réutiliser, Recycler et Rendre à la terre. Seulement voilà, ce qui sonne comme une évidence est loin d’en être une lorsqu’on est citadin. Thomas Colin, Louis Jamin, Aliette et Henri Thomazo ont imaginé un joli pot de fleurs en terre cuite accompagné d’un ingénieux système de compost, ce sont les Transfarmers.

23/11/21

Temps de lecture : 8min

Aliette, Thomas quel est votre parcours et comment avez-vous eu l’idée de créer un composteur design et urbain ?

Aliette : J’ai une formation de graphiste en communication visuelle, j’ai exercé en agence et en freelance. C’est en vivant à Paris dans un petit appartement que j’ai été confrontée à la difficulté de trouver une solution pour composter mes déchets organiques. Après avoir étudié toutes les possibilités existantes, je me suis dit qu’il fallait inventer une solution. Avec mon conjoint Henri et nos amis Thomas Colin et Louis Jamin qui partageaient ce même constat, nous avons entamé une réflexion suivie de travaux manuels pour tester l’idée d’associer le compost et les plantes (comme dans la nature) et fabriquer le produit que nous aurions aimé trouver sur le marché.

Thomas : Je suis ingénieur agronome de formation, j’ai travaillé au sein de collectivités locales autour de la question du recyclage des déchets organiques et de la mise en place de solutions de tri chez les habitants. Avec la Loi anti-gaspillage et économie circulaire, les collectivités doivent accélérer la mise en place de ces solutions afin que tout le monde ait accès à une solution de tri d’ici fin 2023. Nous avons imaginé ce pot composteur vertueux qui apporte une réponse à la question du tri des déchets de cuisine, qui sont les plus importants dans un foyer. Un premier pas en menant à un autre, les utilisateurs de Transfarmers deviennent des néo-ambassadeurs du tri.

Comment l’aventure Transfarmers a-t-elle vu le jour ?

Thomas : La marque a été créée en 2019 mais nous réfléchissions au projet depuis 2014. Nous avons collaboré avec un designer pour définir la forme et les matériaux finaux de notre produit, c’est ainsi que nous avons choisi de créer un pot en terre cuite fabriqué en France. Nous avons lancé une campagne de crowdfunding qui nous a permis de vendre cinq cents pots ! Cela nous a convaincus de continuer et d’investir dans du matériel de production. Nous avons ouvert notre boutique en ligne en septembre 2020 et commençons à développer un petit réseau de distributeurs. Notre objectif est d’augmenter la production tout en conservant nos valeurs de départ, en trouvant d’autres partenaires en France, voire en internalisant la fabrication mais aussi en élargissant notre gamme avec des produits utiles et un cahier des charges très strict.

Aliette : Initialement conçue pour nous-mêmes, notre idée a suscité l’intérêt de notre entourage et a plu même au-delà. C’est ainsi que l’envie de développer ce projet qui allait aboutir à la création de notre entreprise est née. Il allait de soi que la conception et la fabrication de ce produit seraient durables et responsables car il devait porter toutes les valeurs qui nous avaient amené à le créer. Les choix que nous avons fait, sans concession, représentent un véritable challenge. Il faut beaucoup de place et de temps pour fabriquer les pots, et les personnes aujourd’hui capables de le faire sont très peu nombreuses. Avec de la persévérance, on arrive à tout ! Nos complémentarités, notre entente et notre amitié sont une vraie force qui nous permet d’avancer et de trouver des solutions pour parer aux éventuelles difficultés.

Vous avez donc réussi le pari de créer un composteur pratique qui soit également un joli pot de fleurs. Comment cela fonctionne-t-il ?

Aliette : Le pot est divisé en deux parties, une où l’on introduit les épluchures et déchets organiques avec des vers de terre qui créent le compost, et une autre où se trouve la plante avec son terreau. Les deux parties communiquent à travers une grille pour permettre les transferts d’eau, de nutriments, mais aussi une bonne aération de la terre grâce aux lombrics. L’avantage est que la plante nécessite moins d’eau et n’a plus besoin d’engrais ! Selon nos observations, le pot convient à un foyer de deux à trois personnes (cela peut varier selon la consommation et les habitudes alimentaires de chacun). On peut y installer n’importe quelle plante tant qu’elle est adaptée à la taille du pot, et à son environnement (intérieur, extérieur, luminosité, température…). Au-delà de ses vertus naturelles et renouvelables, la terre cuite apporte un grand intérêt au composteur : poreuse, elle permet au système de respirer et de gérer les flux d’humidité. Elle permet également une bonne isolation, et en association avec la terre de la plante, même dans des conditions un peu extrêmes, les vers ont un excellent taux de survie.

Thomas : Grâce aux vers de compost et autres micro-organismes, les déchets végétaux sont transformés en terreau et engrais naturels. Il faut savoir que le rendement d’un composteur varie beaucoup en fonction de notre consommation : plus on met d’aliments, plus la population de vers va croître en se reproduisant (effet inverse valable). Le pot peut être utilisé en continu, il n’y a pas besoin de faire de pause pour que le compost se fasse. Les déchets végétaux perdent en quelques jours 90% de leur volume , le niveau descend donc continuellement. On peut récolter le compost lorsqu’il est mûr (en moyenne tous les 4 à 6 mois) et l’utiliser pour donner un coup de boost à toutes ses plantes.

Aliette : Le système ne fonctionne pas sans les vers de compost. Ce sont eux qui permettent d’obtenir un compost très fin et très riche. Nous les proposons sur notre site afin de faire gagner du temps aux utilisateurs. Il n’y a pas d’odeurs car le pot est bien fermé par ses bouchons en liège, mais de toute façon, un compost bien géré ne sent pas mauvais !

« Il allait de soi que la conception et la fabrication de ce produit seraient durables et responsables car il devait porter toutes les valeurs qui nous avaient amené à le créer. »

Quelles sont vos actions éco-responsables au quotidien ?

Thomas : J’ai beaucoup appris sur la gestion des déchets lorsque j’ai travaillé au sein des collectivités locales, j’ai donc modifié mes pratiques sur le plan personnel aussi en essayant au quotidien de réduire au maximum ma production : dentifrice en poudre, shampoing solide, lessive en poudre, achats en vrac et pour mon ménage, je formule mes propres produits multi-usage à base de vinaigre ménager.

Aliette : Au quotidien, je fais très attention à ce que j’achète (en vrac, produits de saison et bio, local..), je cuisine, je n’achète plus de produits ménagers au profit de produits simples et efficaces (vinaigre, savon de Marseille…) en accord avec notre organisation bien-sûr car 3 enfants petits et une entreprise ne permettent pas toujours de prendre le temps. J’utilise des contenants réutilisables, je ne mange plus de viande et limite au maximum les produits animaux et bien sûr, je composte. La liste est longue, car ma démarche a été précipitée par l’arrivée des enfants il y a 8 ans, c’est en regardant en arrière qu’on se rend compte qu’il y a beaucoup de choses qui ont changé.

Contre quelles pratiques anti-écolo luttez-vous ?

Aliette : Le greenwashing est pour moi insupportable, il vient brouiller l’esprit du consommateur. C’est décourageant de devoir toujours se méfier, et il suffit que l’on baisse la garde une fois en se fiant à un argument marketing ou une étiquette sans regarder derrière pour se faire avoir et finir par ne plus avoir confiance en rien.

Thomas : Moi, j’ai énormément de mal avec les excès de technologie qui sont censés aider les gens à se reconnecter avec leur bon sens comme les applications qui notifient quoi manger, quand boire… Je trouve cela absurde, car cela déconnecte les gens de l’écoute de leur propre corps et gaspille de l’énergie.

photos: ©️Damien Poullenot ©️Ananda Photo Factory