Il y a de quoi se faire des nœuds au cerveau en essayant de comprendre ce que signifie concrètement la planification écologique. Sans doute parce qu’elle est associée à des discours partisans, parce que ses contours sont flous et la projection complexe tant les enjeux sont entremêlés. Tentons d’y voir plus clair.
Dans l’Hexagone, la planification écologique ne date pas d’hier, ou en tout cas pas des dernières élections présidentielles et législatives qui l’ont mise sous les feux des projecteurs. Longtemps portée par Jean-Luc Mélanchon, Emmanuel Macron l’a faite sienne en avril dernier pour enfin nommer Elisabeth Borne Première ministre, chargée de la Planification écologique et énergétique. Si ce sujet est éminemment politique, beaucoup le décrit comme une méthode pour répondre à l’urgence écologique. Nous nous attacherons d’ailleurs dans cet article à nous éloigner de toute couleur politique, pour nous consacrer à l’essentiel : brosser le tableau de ce qu’est la planification écologique et de ses rouages.
À y regarder de plus près dans nos dictionnaires, le mot « planification » a deux définitions, proches mais subtiles. Il s’agit donc :
Et pour cause, nombreux sont les experts à associer le concept de planification au Gosplan soviétique des années 20, ou au commissariat général au Plan chargé de la reconstruction économique de la France après la Seconde Guerre mondiale. En 2022, l’enjeu n’est plus seulement économique ou social : il est aussi écologique. Une nouvelle dimension soulignée par l’ajout du terme « écologique » à « planification », qui rappelle la nécessité de sortir du statu quo et de se mettre en action.
À ce sujet, l’économiste Eric Monnet a récemment partagé dans une tribune publiée par Le Monde :
« Le terme de « planification écologique » est entré dans le vocabulaire courant de la politique française. La référence à la planification de l’après-seconde guerre mondiale se justifie par la reconnaissance d’un objectif économique et social commun qui surpasse tous les autres, car il est à proprement parler vital. La reconstruction d’après-guerre était effectivement vue comme la seule manière de sortir la société de la misère et du rationnement, et la modernisation – l’autre objectif du plan – comme la seule échappatoire de ce qui était perçu comme l’effondrement « malthusien » de la civilisation de l’entre-deux-guerres. Comme aujourd’hui, il y avait un sentiment partagé d’absolue nécessité et la reconnaissance du fait que, malgré ses imperfections, l’État était la forme d’organisation collective adéquate, à même de guider la société et éviter la catastrophe. »
En d’autres termes, l’écologie, le développement durable et la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) ne peuvent plus être uniquement portés par les individus, la société civile ou les acteurs économiques : ils doivent faire l’objet d’un plan national, piloté et animé par l’État.
En préambule, rendons à César ce qui appartient à César : cette partie nous a été largement soufflée par l’intervention de Benoît Leguet, directeur de l’institut d’économie pour le climat (I4CE), dans le podcast Chaleur Humaine. En substance, la planification écologique ne pourra se concrétiser qu’à la condition de réunir :
Voyons de quoi il retourne pour chacun de ces piliers.
Une évidence ? Sans doute. Mais, jusqu’alors, les stratégies envisagées en faveur du climat ou d’une économie décarbonée comme la SNBC (pour Stratégie Nationale Bas-Carbone) manquaient cruellement d’un outil opérationnel : le rétroplanning. Ou comment partir d’un objectif à atteindre et cibler des points d’étapes, des jalons dans le temps.
Dans l’émission citée ci-dessus, Benoît Leguet évoque même de définir un rétroplanning pessimiste. Ce qui signifie de prévoir autant que possible les crises et les chocs, de travailler sur des scénarios catastrophes — comme une pandémie à l’échelle mondiale ou une crise énergétique liée à un conflit entre deux pays —, ainsi que les réponses à apporter. Et envisager une temporalité suffisamment large pour chaque échéance, et des moyens à mobiliser pour rebondir.
Ici, il s’agit de définir un chef de projet et de décrire précisément qui fait quoi et avec qui, en lien avec le plan. Mais aussi des points d’étapes méthodiques et rigoureux pour chacune des parties prenantes. À l’échelle de la planification écologique, son architecte ne pouvait être autre que le Premier ministre — la Première ministre en l’occurrence. Car l’écologie ne peut plus (ou n’aurait pas dû) être le cheval de bataille d’un seul ministère, mais bien celui de tous.
Quant aux moyens, pas de surprise : ils sont essentiellement financiers, publics et privés. C’est d’ailleurs, selon Benoît Leguet, l’indicateur à observer de très près pour évaluer et suivre le déploiement de la planification écologique. Plus que les émissions de gaz à effet de serre, qui s’inscrivent dans un temps court, les flux d’investissements engagés ont des répercussions sur le long terme, dont les impacts environnementaux sont mesurables sur plusieurs décennies.
En d’autres termes, le plan déterminé en amont devra concerner tous les secteurs d’activités, dans toutes les sphères économiques et sociétales. Il sera contre-productif, selon Benoît Leguet, de mener des actions d’abord dans le bâtiment et l’habitat, puis dans les transports ou l’industrie et enfin dans l’agriculture et l’alimentaire. Tous les sujets doivent être traités de front.
Pourquoi ? Parce que l’écologie est par essence transverse, et doit être portée dans tous les domaines — et dans tous les ministères qui leur sont associés, comme nous l’avons vu plus haut. De nouvelles filières, elles aussi transverses, pourront émerger, tout comme de nouvelles formations et disciplines à maitriser pour répondre aux enjeux d’aujourd’hui et de demain.
Impossible de déployer un projet quel qu’il soit, et d’autant plus celui de la planification écologique, sans embarquer les citoyens et les ménages dans leur ensemble. Ce qui induit d’expliquer le pourquoi et le comment, de communiquer de façon transparente sur les tenants et aboutissants (qui fait quoi, qui finance quoi…), d’aider et de donner les moyens de changer.
Aujourd’hui encore, toujours selon Benoît Leguet, les notions mêmes de bas carbone ou de neutralité carbone ne sont pas tout à fait comprises, les enjeux environnementaux restent flous et les mesures pour y répondre a priori défiées. Dans un contexte de perte de confiance dans les institutions politiques, de clivages idéologiques marqués ou de désinformation, la clé sera dans la définition du plan, le partage de la vision, et l’explicitation de chacune des étapes à atteindre ou franchie. Mais aussi des efforts individuels et collectifs à consentir, des aides et alternatives proposées, pour donner à chacun les moyens de s’engager dans cette transition écologique.
Que va-t-on mettre dans ce plan ? Quelle sera la vision ? Comment s’articuleront les différentes étapes et échéances ? Quelles seront les actions à mener par la société civile, les institutions, les entreprises et les citoyens ? Beaucoup reste encore à définir et à partager à ce stade. Bien entendu, des pistes ont été explorées — notamment par Jean-Luc Mélanchon, France Stratégie ou encore The Shift Project. La balle est aujourd’hui dans le camp du gouvernement pour écrire ce nouveau chapitre de l’histoire.
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